Cette 4e édition a attiré 200 participants à La Panacée de Montpellier
Selon Pascale Cayla, directrice de l’agence L’Art en Direct, éditrice et modératrice du Meeting Art Objectif les nouveaux codes de la promotion immobilière intègrent une sensibilité grandissante au geste artistique, ce qui ouvre le dialogue entre architectes et artistes : un nouveau cercle vertueux est en train de se créer, au cœur de la cité.
Soulignant d’emblée le caractère incontournable du triangle artistes / architectes / promoteurs, Thierry Aznar, président d’Helenis, a évoqué certains programmes réalisés par son entreprise et intégrant des dotations de créateurs renommés : le Domaine de la Feuillade (Montpellier) avec Alain Clément, Prado Concorde (Castelnau-le-Lez) avec Robert Combas, ou encore Sakura Garden (Castelnau-le-Lez), qui met en lumière l’œuvre la plus monumentale produite par Abdelkader Benchamma.
« Musualiser les résidences »
Le promoteur a structuré sa démarche en créant une fondation d’art contemporain, qui sera implantée dans l’hôtel Richer-de-Belleval, en cours de rénovation à Montpellier : inaugurée d’ici l’été 2019, elle a été confiée au galeriste Numa Hambursin.
« Cette fondation, en plus d’être dotée d’œuvres magistrales, nous permettra de continuer à acquérir des œuvres, de lancer des bourses pour la création, d’organiser des manifestations, et surtout de prolonger notre démarche dans un cadre plus précis : musualiser nos résidences, décrit Thierry Aznar. Nous définissons, dès le départ, un thème spécifique à chacune d’elles : nous le présentons ensuite à Numa Hambursin, qui va choisir les artistes.
Pour les artistes, ce type de collaboration offre souvent plus de liberté et de sécurité à la fois. L’artiste plasticienne Eva Jospin, connue pour ses sculptures en carton sur de grands panneaux à la façon de hauts reliefs, vient de réaliser le Carré Maillol pour le compte du promoteur parisien Emerige, et travaille avec la Cogedim sur un nouveau projet pour Voyage à Nantes, organisme de promotion touristique via la culture.
« Un projet comme celui d’Emerige, chez qui j’ai ressenti un réel intérêt pour le travail artistique, m’a dispensé de la phase de concours, m’a laissé libre de faire ce que je voulais… La seule difficulté pour un artiste concerne les changements de livraison, qui ne sont pas évidents à gérer quand on mobilise une petite équipe. Le projet avec Cogedim est différent parce qu’il associe la politique culturelle de la ville. Le commissariat artistique nous aide pour négocier les contrats, c’est une façon de protéger l’artiste », explique Eva Jospin.
La nouvelle façon de travailler des promoteurs a aussi des conséquences chez les architectes. Intervenant sur la même table-ronde, Nicolas Laisné, qui a conçu L’Arbre Blanc aux côtés de Sou Fujimoto, Dimitri Roussel et Manal Rachdi, estime que ce projet phare de Montpellier a créé un précédent, et défini un nouveau standard de travail dans la profession.
« Les villes ont désormais, avant même de vendre un terrain, des exigences dans le montage d’équipe. Il faut associer les partenaires qui apportent du plus au projet, les futurs utilisateurs, etc. Il m’est arrivé de créer des équipes intégrant jusqu’à 15 intervenants. J’essaie d’inclure des artistes, dès le démarrage d’un projet. On peut travailler avec eux selon des formes différentes », indique Nicolas Laisné.
La responsabilité politique de l’artiste
Dans le second temps fort de l’événement, trois grands témoins étaient invités à évoquer la place de l’artiste et de l’architecte dans la démarche visant à bâtir la ville aujourd’hui.
« Les architectes ne sont pas des artistes au sens propre, mais ils sont des créateurs, observe Alain Derey, le directeur de l’École nationale supérieure d’architecture de Montpellier (ENSAM). Ce n’est pas une habitude que des architectes aient envie de travailler avec la promotion immobilière du point de vue de la création artistique, nous sommes dans les balbutiements d’un travail commun. Mais s’il n’y a pas de rencontre avec les usagers et que l’artiste n’a pas pu parler de son travail, ça ne marche pas car la médiation n’a pas été faite. […] La responsabilité des écoles d’architecture est capitale et il y a une évolution positive, c’est la formation des élus et collaborateurs d’élus par le biais des étudiants : on les invite à utiliser les écoles comme un véritable levier pour leur permettre d’exercer leurs responsabilités. »
« L’artiste et l’architecte procèdent de la même démarche, du même niveau d’émotion, avec la volonté de transformer le monde, et tant mieux si le promoteur veut les rejoindre. Mais il manque une personnalité dans ce débat, c’est la dimension politique, souligne l’architecte montpelliérain François Fontès. Dans ce retour du monde économique vers le monde de l’art, il y a peut-être un signe. Il ne faut pas dissocier l’économie de l’art… Le musée au XXIe siècle peut être un espace dangereux, on met tout sous naphtaline ! Je préfère que les artistes se mettent dans l’espace public. […] Concernant la place des espaces verts dans la ville, la vraie problématique aujourd’hui serait de reconquérir ces rapports harmoniques ancestraux de l’homme avec la nature. C’est le problème de la spéculation foncière, de l’hydre monstrueuse des réglementations abscondes ! On est en train de tuer le plaisir d’habiter. Il faut changer ces paradigmes. »
Très attendu de l’auditoire, l’architecte Rudy Ricciotti a joué volontiers la carte de la provocation.
« L’artiste est devenu un moteur de gentrification de l’architecture : tous les gens qui ont du pognon sont dingues d’art contemporain ! Mais peut-on reprocher aux promoteurs immobiliers d’en donner une pincée aux artistes ? On ne peut que saluer cette solidarité. Ce qui bien heureux, c’est le retour de la posture décorative de l’art. Mais hors la vue d’une compréhension politique de son monde, l’artiste ne servira à rien. L’artiste doit refuser l’exil de la beauté. La laideur nous submerge ! Les artistes sont condamnés à retrouver cette responsabilité politique de la nécessité de retrouver le beau. Le rôle de l’œuvre d’art n’est pas de susciter le débat, mais de « physicaliser » son regard sur le monde. La responsabilité de l’artiste est d’épingler l’architecture jusque dans sa chair ! »
Sources : https://objectif-languedoc-roussillon.latribune.fr/evenements/meeting-art-objectif/2018-09-24/mao-2018-quand-artistes-architectes-et-promoteurs-dansent-ensemble-791437.html / https://objectif-languedoc-roussillon.latribune.fr/evenements/meeting-art-objectif/2018-09-18/un-dialogue-rudy-ricciotti-francois-fontes-au-programme-du-mao-2018-790857.html
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